Dans un monde où les réseaux sociaux façonnent chaque jour l'opinion publique, la désinformation s'impose comme une menace sérieuse, notamment au Mali. Les jeunes, qui forment la majorité de la population et les principaux utilisateurs d'internet, sont à la fois exposés à ce fléau et essentiels pour le contrer.
Mais comment peuvent-ils transformer ces espaces numériques en outils de progrès ?
La désinformation : un défi qui fragilise la cohésion sociale Un enjeu national
Au Mali, seulement 29,9 % de la population a accès à Internet, selon le rapport Data Reportal 2022. Pourtant, ces chiffres révèlent un impact disproportionné des réseaux sociaux sur l'opinion publique, notamment via des plateformes comme Facebook, WhatsApp ou TikTok.
Ce phénomène, amplifié par une méconnaissance des mécanismes de désinformation, fragilise la cohésion sociale.
Une étude récente montre que près de la moitié des jeunes Maliens ont des difficultés à distinguer une information vérifiée d'une fausse nouvelle.
Cette réalité inquiète Aliou Diallo, spécialiste en lutte contre la désinformation chez Benbere :
« La désinformation cause d'importants dégâts au Mali. Les jeunes, en tant que moitié de la population et principaux utilisateurs des réseaux sociaux, doivent être placés au cœur des solutions. »
Face à l'ampleur de ce problème, une réponse adaptée passe par l'éducation et l'engagement citoyen.
Des jeunes pris au piège de la désinformation
Mariam Sogodogo, âgée de 21 ans, a été victime d’une fausse information qui a failli provoquer un choc émotionnel chez elle. En 2021, lors de l’enlèvement de l’artiste Amadou Kébé, plus connu sous le nom de Dr Keb, par des groupe armée terroriste, une rumeur a circulé sur les réseaux sociaux affirmant que le chanteur avait été tué.
Grande admiratrice de l’artiste, Mariam a été bouleversée par cette nouvelle.
« Nous étions en train de regarder un film lorsque ma sœur m’a montré l’information sur Facebook. Au début, je n’y croyais pas, mais en voyant le nombre de partages, je n’ai pas pu retenir mes larmes », raconte-t-elle.
Des outils et des compétences pour contrer la désinformation
Pour Koumba Coulibaly, journaliste et fact-checkeuse, l'éducation aux médias est la clé.
Les jeunes doivent non seulement apprendre à vérifier les informations, mais aussi à comprendre les mécanismes des plateformes qu'ils utilisent :
« Certains contenus deviennent viraux parce qu'ils suscitent des réactions émotionnelles, et non parce qu'ils sont vrais. Sensibiliser les jeunes à ces dynamiques est essentiel pour leur permettre d'agir de manière responsable en ligne. »
Elle recommande plusieurs outils pratiques de fact-checking, tels que Google Reverse Image et TinEye, qui permettent de vérifier l'origine des images. Des sites spécialisés locaux comme Benbéré, La Voix de Mopti ou Le Jalon offrent également des ressources pour s'assurer de la fiabilité des informations.
Cependant, disposer de ces outils ne suffit pas : les jeunes doivent apprendre à s'en servir efficacement et systématiquement.
Des Initiatives concrètes qui inspirent
Il existe des initiatives notables au Mali visant à renforcer les compétences des jeunes en matière de vérification des faits. Par exemple, Benbere, en partenariat avec International Media Support (IMS), mène des initiatives ciblant spécifiquement les jeunes, les journalistes et les blogueurs. Ces actions visent à renforcer leurs compétences et à promouvoir des pratiques médiatiques responsables.
Aliou Diallo, étant l’un des responsables du projet, explique :
« Dans le cadre du programme BenbereVerif, nous avons organisé une initiative d’un mois. Elle consistait à encourager les jeunes ayant déjà bénéficié de formations à proposer des actions locales concrètes pour lutter contre la désinformation. Nous les avons ensuite soutenus dans la mise en œuvre de ces initiatives au sein de leurs communautés. Ces projets se sont déroulés dans des espaces variés tels que les marchés, les écoles et les terrains de football, mobilisant d’autres jeunes dans les régions de Kayes, Mopti et à Bamako. »
Ces initiatives démontrent qu'avec un accompagnement adapté, les jeunes peuvent être des moteurs de changement, capables de diffuser de bonnes pratiques autour d'eux
Pourquoi la voix des jeunes compte?
Au-delà des outils, c’est l’engagement des jeunes qui fait la différence.
En partageant des informations vérifiées, en signalant les contenus douteux et en sensibilisant leurs cercles sociaux, ils contribuent à construire un écosystème médiatique responsable.
Les plateformes comme Facebook, TikTok ou Instagram, souvent évoquées pour leur rôle dans la diffusion de fausses nouvelles, peuvent également devenir des espaces d'action positive. En relayant des contenus fiables et en s'engageant dans des débats constructifs, les jeunes Maliens ont le pouvoir de changer la donne.
« Les jeunes peuvent transformer les réseaux sociaux en outils de progrès. En devenant des exemples de comportement responsable, ils inspirent leurs pairs et contribuent à un avenir informé », conclut Koumba Coulibaly.
La lutte contre la désinformation au Mali ne peut être gagnée sans les jeunes. Leur voix, authentique et influente, est un levier essentiel pour bâtir une société où l'information éclaire plutôt qu'elle ne divise. Avec les bonnes compétences, des outils adaptés et un engagement actif, ils peuvent transformer les défis d'aujourd'hui en opportunités pour demain.
Hadeye Maiga pour Kalux fm, la voix de l’inclusion