Bamako, Mali– Ces dernières semaines, les services douaniers maliens ont mené une série d’opérations de grande ampleur, aboutissant à la saisie de quantités importantes de produits dangereux : explosifs, détonateurs, mercure et cocaïne. Ces interventions, menées dans des conditions discrètes mais efficaces, mettent en lumière un phénomène inquiétant : le trafic organisé de matières pouvant servir à des usages criminels ou terroristes.
Une menace interceptée de justesse
Deux opérations simultanées ont illustré l’ampleur du défi sécuritaire. À Bamako, la Section Recherches et Intervention (SRI) a saisi 202 colis d’explosifs, dissimulés dans un entrepôt du centre-ville.
Peu de temps après, à Hérémakono, point de passage frontalier stratégique, les agents ont intercepté 297 bâtonnets d’explosifs à base de nitrate d'ammonium (soit 45 kg) et deux bonbonnes de mercure pesant au total 72 kg.
Le mercure, classé comme substance hautement toxique par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est non seulement dangereux pour la santé humaine et l’environnement, mais il est également utilisé dans des procédés illicites, notamment l’extraction artisanale de l’or. Quant au nitrate d’ammonium, il est régulièrement détourné pour la fabrication d’engins explosifs improvisés (EEI), responsables d’attaques meurtrières dans les zones de conflit.
Un phénomène récurrent, pas un cas isolé
Ces saisies ne sont pas des événements ponctuels. Elles s’inscrivent dans une tendance lourde observée depuis plusieurs mois par la Direction du Renseignement et de la Lutte contre la Fraude (DRLF). Début mars, près de 15 915 unités d’explosifs prêts à l’emploi ont été interceptées. En parallèle, la Brigade Mobile d’Intervention (BMI) a neutralisé des colis contenant :
- 165 bâtons d’explosifs,
- 825 détonateurs,
- 49 rouleaux de cordon détonant,
- 9 bonbonnes de mercure.
Sur les frontières de Diboli et d’Hérémakono, les contrôles renforcés ont permis de bloquer à plusieurs reprises des tentatives d’introduction de substances dangereuses, souvent dissimulées dans des cargaisons commerciales ou transportées par des réseaux bien organisés.
Une stratégie douanière en trois temps
Face à cette menace, la douane malienne a adopté une stratégie proactive, basée sur trois piliers :
- L’intelligence opérationnelle l’exploitation de sources de renseignement pour anticiper les mouvements de trafiquants.
- La présence renforcée sur les axes routiers, frontières et zones urbaines sensibles.
- La coordination inter-agences, notamment avec les forces de sécurité intérieure et les services de renseignement.
Cette approche, bien que discrète, s’avère particulièrement efficace. Chaque saisie représente une menace potentielle écartée : un engin qui n’a pas explosé, un réseau qui n’a pas été alimenté, une vie qui a été préservée.
Vers une compréhension plus nuancée du phénomène
Certains pourraient avancer que la hausse apparente des saisies d’explosifs et de mercure s’expliquerait par la croissance du secteur minier au Mali. Il est vrai que les sociétés minières légales utilisent ces substances dans le cadre de leurs activités. Cependant, toutes les importations destinées à ces entreprises sont strictement encadrées par des conventions, des autorisations et un suivi réglementaire rigoureux.
Les quantités saisies, leurs modes de dissimulation, ainsi que les itinéraires empruntés, trahissent clairement un usage illicite. Ces matières ne sont pas destinées à des exploitations minières réglementées, mais à des circuits criminels transfrontaliers, voire à des groupes armés opérant dans les régions du Nord et du Centre du pays.
Un appel à la vigilance collective
Ces opérations douanières ne doivent pas être réduites à de simples faits divers. Elles constituent un signal d’alerte sur une menace silencieuse mais bien réelle. Le trafic de matières dangereuses représente un risque majeur pour la sécurité nationale, la stabilité régionale et la protection des populations civiles.
Il est donc essentiel que les pouvoirs publics, les acteurs économiques et la société civile prennent la mesure de ce phénomène. Des mesures renforcées de contrôle aux frontières, un renforcement des capacités techniques des agents, ainsi qu’une sensibilisation accrue des transporteurs et des commerçants s’imposent.
Les services douaniers maliens, souvent en première ligne, jouent un rôle crucial dans la prévention des attaques terroristes et la lutte contre le crime organisé. Leur travail, réalisé dans l’ombre, mérite reconnaissance et soutien.
Mais la sécurité ne peut reposer uniquement sur quelques institutions. Elle exige une vigilance collective, une coordination accrue et une prise de conscience nationale. Car chaque colis intercepté, chaque substance dangereuse neutralisée, c’est une tragédie évitée.
Le message est clair : derrière chaque saisie, il y a une menace réelle. Et tant que ces menaces existeront, il faudra des regards attentifs, des barrières bien gardées, et une détermination sans faille pour les contrer.
B. TRAORÉ pour Kalux FM