Au Mali, comme dans de nombreux pays en développement, les jeunes filles font face à des défis considérables pour accéder à une éducation de qualité et développer leur résilience mentale. Fatouma, 16 ans, en sait quelque chose. Rêvant de devenir médecin, elle a dû abandonner ses études suite aux pressions familiales et sociales qui lui ont fait croire qu'elle n'était pas faite pour poursuivre ses ambitions. Mais des initiatives locales, comme celles menées par WILDAF Mali, tentent de changer la donne en promouvant l'égalité des genres et le bien-être mental des filles.
Comment ces efforts peuvent-ils transformer la vie de millions de jeunes Malienne ?
Nous avons rencontré Aminata Diarra, coordinatrice de projet au sein de WILDAF Mali, une organisation engagée dans la défense des droits des femmes.
Kalux FM : Quelles compétences spécifiques peuvent être enseignées dans les écoles pour favoriser la résilience mentale chez les jeunes filles ?
Aminata Diarra : Les compétences enseignées à l’école peuvent contribuer à la résilience mentale, mais elles ne suffisent pas. Il est essentiel de compléter les cours théoriques par des pratiques concrètes. Par exemple, les jeunes filles doivent être encouragées à participer activement à des activités qui renforcent leur estime de soi et leur leadership. Cela peut inclure des ateliers de mentorat, des clubs de débat ou encore des programmes sportifs adaptés.
Malheureusement, dans nos établissements, les filles sont souvent conditionnées par des stéréotypes qui limitent leur potentiel. On leur répète qu’elles sont avant tout des ménagères et que leur avenir dépendra d’un homme. Ces messages diminuent leur confiance en elles et renforcent l’idée qu’elles ne peuvent pas rivaliser avec les garçons. Pour changer cela, il faut instaurer une véritable égalité dans les écoles : les filles doivent avoir les mêmes opportunités que les garçons, que ce soit dans les études, les sports ou les rôles de leadership.
Selon UNICEF, seulement 35 % des filles maliennes poursuivent leurs études après le primaire, tandis que près de 52 % sont mariées avant l'âge de 18 ans. Ces chiffres soulignent l'urgence d'agir pour inverser cette tendance (NDLR).
Kalux FM : Comment les programmes de soutien communautaire peuvent-ils répondre aux besoins uniques des jeunes filles en matière de santé mentale et de bien-être émotionnel ?
Aminata Diarra : Les programmes communautaires ont un rôle crucial à jouer, mais ils doivent être plus explicites et inclusifs. Dans notre société, certains sujets, comme la santé reproductive ou l’égalité des sexes, sont considérés comme tabous. Pourtant, ces thèmes sont essentiels pour le développement mental et émotionnel des jeunes filles.
Il est important d’intégrer des modules sur la psychologie sociale, les droits humains et l’égalité des genres dans ces programmes. Ces connaissances aident les filles à comprendre leur valeur et à prendre des décisions éclairées. Malheureusement, certains estiment que ces sujets "pervertissent" les jeunes filles, alors qu’ils contribuent à leur autonomie et à leur épanouissement.
Un exemple concret vient du Kenya, où le programme Girls Empowerment Initiative a permis à plus de 10 000 filles de retrouver confiance en elles grâce à des ateliers de leadership et de mentorat. Ces initiatives montrent que, lorsqu'elles sont bien conçues, les interventions communautaires peuvent avoir un impact durable. (NDLR)
Kalux FM : Quelles sont les meilleures pratiques pour impliquer les familles et les communautés dans le soutien à la résilience mentale des jeunes filles ?
Aminata Diarra : La sensibilisation et la conscientisation sont les clés. Il faut engager un dialogue avec les parents et les leaders communautaires pour leur expliquer l’importance de la stabilité mentale des jeunes filles. Ils doivent comprendre que soutenir la confiance en soi des filles bénéficie à toute la société, tandis que leur découragement peut avoir des conséquences néfastes pour elles et pour leur entourage.
Les parents doivent être encouragés à valoriser leurs filles, à leur montrer qu’elles sont capables de réussir dans tous les domaines. Cela passe par des actions simples, comme les encourager à poursuivre leurs études, à participer à des activités communautaires ou à exprimer leurs opinions. En créant un environnement bienveillant et équitable, on favorise leur résilience mentale et on leur donne les outils pour affronter les défis de la vie.
Kalux FM : Quel conseil auriez-vous à donner aux communautés pour soutenir la résilience mentale des jeunes filles ?
Aminata Diarra : Mon conseil est simple : l’éducation n’a pas de genre. Elle est universelle et doit profiter à tous les enfants, qu’ils soient garçons ou filles. Les parents doivent cesser de véhiculer des stéréotypes qui infériorisent les filles. Au contraire, ils doivent leur montrer qu’elles sont capables de grandes choses et qu’elles ont un rôle essentiel à jouer dans la société.
Pour aller plus loin, nous invitons toutes les personnes soucieuses de l'égalité des chances à soutenir des initiatives comme celles menées par WILDAF Mali. Ensemble, nous pouvons bâtir un futur plus équitable et résilient pour les jeunes filles du Mali et au-delà.
À propos de WILDAF Mali
WILDAF Mali est une organisation non gouvernementale engagée dans la défense des droits des femmes et des filles. À travers des programmes d'éducation, de sensibilisation et de plaidoyer, elle vise à promouvoir l'égalité des genres et à renforcer la résilience mentale des jeunes filles dans tout le pays.
Propos recueillis par Tioumbè Adeline Tolofoudié pour Kalux fm, la voix de l'inclusions