Les violences basées sur le genre : des cicatrices invisibles sur la santé mentale des filles au Mali.
Mariam Dembélé : « Le soutien social est essentiel pour aider les survivantes à se reconstruire »
Au Mali, les violences basées sur le genre (VBG) continuent de toucher un grand nombre de jeunes filles, laissant des séquelles profondes sur leur santé mentale. En 2021, près de 39 % des cas signalés concernaient des violences sexuelles, tandis que 83 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations génitales féminines (MGF). Derrière ces chiffres alarmants se cachent des vies bouleversées, des espoirs brisés et des traumatismes invisibles. Pour mieux comprendre les effets psychologiques de ces violences, nous avons interviewe Mariam Dembélé, militante engagée au sein du mouvement féministe du Mali et spécialiste des questions de VBG. Elle nous éclaire sur les impacts de ces violences et les solutions possibles pour accompagner les survivantes.
Entretien
Kalux FM : Quelles sont les différentes formes de violences basées sur le genre que les filles peuvent subir, et comment chacune d'elles affecte-t-elle leur santé mentale ?
Les violences physiques : Ce sont des agressions corporelles qui, au-delà des blessures physiques, causent des troubles psychologiques, comme le stress post-traumatique (TSPT), l'anxiété et la dépression.
Les violences sexuelles : Elles incluent le viol et les agressions sexuelles. En 2021, les violences sexuelles représentaient 39 % des cas rapportés, dont 24 % de viols ( source : Rapport sur les VBG, 2021 NDLR ). Ces violences entraînent souvent un sentiment de honte, des troubles dépressifs sévères, et parfois des idées suicidaires.
Les mariages forcés et précoces : Ces pratiques, qui concernaient environ 10 % des cas signalés en 2021, privent les filles de leur enfance et limitent leur accès à l'éducation. Elles augmentent les risques de dépression, de stress et d'isolement social.
Les mutilations génitales féminines (MGF) : Avec un taux national de 83 % chez les femmes âgées de 15 à 49 ans ( UNICEF, 2021 NDLR), les MGF causent des douleurs physiques, mais aussi des traumatismes psychologiques, comme l'anxiété et les dépressions prolongées.
Les violences psychologiques : Insultes, humiliations et menaces représentent 11 % des cas signalés ( Rapport sur les VBG, 2021 NDLR). Ces violences diminuent l'estime de soi des filles et augmentent leur vulnérabilité face à l'anxiété et à la dépression.
Le déni de ressources : Certaines filles sont privées d'accès à l'éducation, aux soins de santé, ou aux ressources économiques. Ces formes de violence sociale renforcent les sentiments d'injustice, de frustration et de rejet.
Kalux FM : Quels mécanismes psychologiques expliquent l'impact des VBG sur la santé mentale des filles ?
Le traumatisme direct : Les événements violents activent des réponses de stress aigu, qui, sans traitement approprié, évoluent souvent vers des troubles de stress post-traumatique (TSPT).
La culpabilité intériorisée : Beaucoup de victimes se blâment pour ce qu'elles ont vécu ce qui aggrave la dépression et abaisse leur estime de soi.
La stigmatisation sociale : Dans certaines communautés, les survivantes de violences sexuelles sont rejetées ou ostracisées, ce qui renforce leur isolement et leur détresse.
L'interruption du développement psychosocial : Les mariages précoces, par exemple, empêchent un développement normal et limitent les opportunités éducatives et professionnelles, bloquant ainsi leur épanouissement.
Kalux FM : Quel rôle joue le soutien social dans la résilience des victimes ?
Effet positif : Un réseau de soutien solide, qu'il s'agisse de la famille, des amis ou d'organisations communautaires, permet aux victimes de s'exprimer librement, d'accéder à des ressources et de retrouver leur estime de soi. Cela peut réduire les symptômes de dépression et d'anxiété.
Effet négatif : À l'inverse, l'absence de soutien ou la culpabilisation des victimes peut intensifier leur isolement et aggraver leurs troubles mentaux. Dans certains cas, cela peut les dissuader de chercher de l'aide.
Kalux FM : Quelles stratégies ou interventions pourraient améliorer la santé mentale des filles victimes de VBG ?
Centres de soutien intégrés : Les "One Stop Centers" ou initiatives comme La Clinique DEME-SO offrent un accompagnement médical, psychologique et juridique aux survivantes. Ce modèle doit être étendu davantage aux régions rurales.
Campagnes de sensibilisation communautaire : Informer les communautés sur les effets des VBG et encourager des normes sociales positives peuvent réduire la stigmatisation.
Formation des professionnels : Les enseignants, travailleurs sociaux et personnels de santé doivent être formés à détecter les signes de détresse psychologique et à intervenir rapidement.
Législations protectrices : Il est essentiel de renforcer et appliquer les lois contre les VBG, tout en assurant un accès réel à la justice pour les victimes.
Groupes de soutien par les paires : Ces espaces permettent aux survivants de partager leurs expériences et de s'entraider dans leur processus de guérison.
Kalux FM : Un dernier message à adresser concernant cette problématique ?
Tioumbe Adeline Togo pour Kalux fm, la voix de l’inclusion